Barnaby Dixon fabrique des marionnettes à doigt. Il emploie du métal, du thermoplastique et du silicone. Ses vidéos YouTube, dans lesquelles évoluent ses figurines souples et graciles, sont appréciées de centaines de millieres de fans. Durant notre entretien, il nous confie comment tout a commencé et ce qui se cache derrière ses étonnantes petites constructions.

Barnaby Dixon: Oh, elles ne sont pas méchantes. Regardez ce qui se passe quand je les bouge: Manu l’Indien est un bon danseur. Mon dinosaure est aussi rapide et agile que le T-Rex de «Jurassic Park». Et lorsque Dabchick la poule se gratte derrière l’aile, elle fait beaucoup rire petits et grands.

Un peu des trois. Je commence par concevoir les marionnettes, puis je les fabrique et je les assemble. Elles sont toutes faites de centaines de pièces et nécessitent de nombreuses heures de travail. Une marionnette me prend au moins deux mois. Je soude le métal, sculpte les formes en thermoplastique et lime les détails. Pour obtenir les yeux du dinosaure, j’ai scié la tête d’un clou en cuivre et l’ai soudée à un écrou. Cela demande beaucoup de précision et de doigté.

Tout à fait. Je fais bouger seul mes marionnettes avec mes mains et mes doigts à l’aide de fils minuscules et d’articulations en métal cachées dans leur corps. Je bouge le bec de Dabchick avec un tube en silicone rattaché au levier. J’ai placé un minuscule fil de métal dans le tuyau afin de fluidifier les mouvements. J’utilise le même mécanisme pour les mains de Manu l’Indien. Il faut bidouiller et tester un bon moment avant de trouver une technique de la sorte. J’invente tout moi-même. Les marionnettes sont uniques. Il n’existe aucun manuel de fabrication. J’aime partir à la découverte d’une technique complexe dont je ne connais pas grand-chose.

Je suis souvent pragmatique. Mes marionnettes ont deux composantes: le haut et le bas du corps, que je commande à une main. Je me suis demandé quelle créature ne se déplace qu’en haut et en bas. C’est comme ça que m’est venue l’idée de la poule; elle a une tête très mobile et des jambes agiles. Je bouge le dinosaure exactement de la même façon. Ce qui me fascine, ce sont les gestes que je peux faire faire aux marionnettes. J’avais donc envie d’en faire danser une. C’est comme ça que j’ai eu l’idée des danses tribales et d’un personnage indien. Je suis en train de travailler sur des marionnettes dotées de composantes électroniques et de ressorts.

C’est exact. Les marionnettes doivent devenir un personnage. C’est à ça que me servent mes vidéos YouTube. Par exemple, Dabchick la poule est aussi vaniteuse et à côté de ses pompes qu’attachante. Elle m’accompagne au quotidien. Je la filme sur mon smartphone, à la mer, dans le train ou avec le bébé de mon cousin. Je monte ensuite les séquences sur mon ordinateur et j’y intègre les dialogues. Les marionnettes ont ainsi une voix et une personnalité. Dabchick a des centaines de fans dans le monde. Son aventure la plus populaire a été visionnée un demi-million de fois.

Un trip de drogue. Et mon chat qui se soulage dans les buissons.

J’ai laissé Dabchick ramasser les champignons qui poussent dans mon jardin. Mon chat est tout d’un coup apparu dans la vidéo et a fait ses besoins dans les buissons. C’était une drôle de coïncidence que j’ai bien sûr laissée au montage final. Dabchick le regarde et commence à halluciner, ce qui est une partie improvisée de l’histoire.

J’adore créer quelque chose de mes propres mains. Enfant déjà, je construisais mes propres jouets. Je transformais des boutons en petits chevaliers. J’ai ensuite étudié le design d’animation et travaillé dans la publicité. Pour un spot publicitaire, j’ai fabriqué d’énormes cornflakes qui devaient participer à une olympiade de cornflakes, c’est-à-dire faire de la gymnastique, des courses de haies et ce genre de choses.

C’est à ce moment que j’ai découvert ma passion. J’ai décidé de laisser libre cours à ma créativité. J’ai envoyé deux fois mon dossier au Royal College of Art, mais j’ai été refusé. C’est peut-être mieux ainsi. Je n’aurais probablement pas appris grand-chose de manuel. Après ces refus, j’étais d’autant plus déterminé à me lancer par moi-même. Et ça a fonctionné.

Je pensais que YouTube était l’endroit parfait où montrer au monde ce dont j’étais capable. Des forums spécialisés existaient pour les designers d’animation et les marionnettistes. Je trouvais le video blogging cool. J’ai commencé il y a tout juste deux ans. De nombreux internautes m’écrivent d’ailleurs qu’ils adorent mon style. J’ai de la chance. Aujourd’hui, je reçois des centaines, parfois des milliers de messages sur YouTube, Facebook ou Twitter. Avant, je répondais à tous mes fans, mais je n’y arrive plus.

Maintenant oui, surtout grâce au succès que j’ai sur Internet et à l’attention que me portent les médias. L’année passée, j’ai même gagné 50 000 euros en participant à l’émission «Puppenstars» de RTL.

Oui, j’ai tenté de le faire, surtout que j’ai déboursé des milliers d’euros pour les faire breveter. J’ai contacté des fabricants, mais je n’ai réussi à en convaincre aucun. Ils étaient d’avis que les consommateurs ne veulent pas acheter des marionnettes qu’ils ne peuvent regarder pendant qu’ils jouent. Mais une autre raison les a poussés à refuser. Ils m’ont dit que mes marionnettes étaient trop compliquées à fabriquer.

Texte: Reinhard Keck | Photos: Laura Hutha