Tentons l’expérience: construire un établi
L‘établi est l‘élément central de tout atelier. Que faire quand on n‘en a pas? En louer un? Bof. Notre auteure préfère s‘en fabriquer un.
Il est toujours là quand j'en ai besoin. Pour moi, l'établi est l'élément central de tout projet. J'ai toujours pu compter sur lui. Le problème, c'est que je n'en ai pas. J'ai toujours dû m'en faire prêter un ou en louer un. Mais ce sera bientôt chose du passé. Je veux pouvoir travailler sur mes propres projets quand l'envie me prend. Je veux travailler sur mon propre établi. Pour ce faire, je dois d'abord m'en construire un.
Avant de fabriquer un établi, il faut bien réfléchir à comment on souhaite l'aménager. Sinon, on risque de mal s'y prendre.
Jana Broxtermann
J'appelle Jana Broxtermann, qui donne des cours de travaux manuels à Hambourg. Elle m'a déjà montré comment restaurer une table. J'aimerais bien faire à nouveau appel à son calme et à son expertise. «Qu'en penses-tu, Jana? Est-ce qu'on peut fabriquer un établi en deux jours?» «Oui», me répond-elle. «Mais il faut d'abord bien réfléchir à comment on souhaite l'aménager. Sinon, on risque de mal s'y prendre.» L'aménager? Il doit en tous cas être muni d'un étau, outil presque toujours indispensable. Un plateau de rangement pour les petits outils et les pièces de construction serait idéal. Et une planche magnétique pour éviter que les tournevis et compagnie ne se mettent à rouler et tombent de l'établi. C'est faisable? «Bien sûr, on peut le faire en deux jours. Je te conseille de fabriquer un établi fixe avec pieds ajustables, plus stable qu'un établi mobile. Quelle sera sa hauteur?» Mmh, assez haut pour que je puisse y travailler sans me pencher. Je mesure 1,75 m. Jana dessine des plans, fait des calculs, et détermine ses dimensions: 1500 x 800 x 950 mm. Nous nous procurons les matériaux, nous nous rendons dans un atelier et nous nous mettons au travail.
1. J'empoigne la scie à tronçonner pour tailler les pieds et le cadre
Le premier jour, Jana m'accueille dans l'atelier de coworking bauer+planer, à Hambourg. Nous avons loué un petit espace et des outils. Il est tôt, mais de nombreux artisans travaillent déjà, le sourire aux lèvres. Leur énergie est contagieuse. «Peut-être terminerons-nous en une journée? Il n'y a pas énormément de pièces à fabriquer.» Jana se met à rire. «Commençons déjà! Prends les poutres et scie-les avec la scie à tronçonner. Ils formeront le bâti, aussi appelé piètement, c'est-à-dire le cadre, et les pieds.» Je prends les poutres, les croquis de Jana et les dimensions – quatre pieds de 908 x 90 mm, quatre courtes poutres de 600 x 90 mm et trois longues poutres de 1300 x 90 mm pour le cadre, je fais des marques au crayon et je lance un regard nerveux à la scie. Je n'ai encore jamais utilisé un modèle de ce type. Heureusement, Jana est à mes côtés. Elle m'aide à régler la machine et veille à ce que je place la scie légèrement à côté de mes marques, du côté externe. Sinon, la poutre risque d'être trop raccourcie, car la lame de la scie possède une certaine largeur. Je gagne en aisance au fur et à mesure de mes essais. Jana dessine une équerre pour que nous ne confondions pas l'avant et l'arrière. Voilà qui est fait.
2. Percer, fraiser, visser le bâti de table
Nous n'avons pas de temps à perdre. Avec l'aide de Jana, je place les pieds à la verticale et je réfléchis à quelle hauteur placer le plateau de rangement, qui se situera sur la moitié inférieure de l'établi. Nous sortons un mètre et marquons les emplacements des vis, à 350 mm du sol. C'est une bonne hauteur. Ensuite? «Nous perçons les trous des vis dans les pieds et le cadre pour les relier entre eux. Ils auront la forme d'un A», me répond Jana. Nous nous installons à la perceuse d'établi et plaçons le foret de centrage pile au milieu de la croix que j'ai dessinée au crayon. Je commence à percer. Tourner la manivelle m'amuse. J'ai l'impression d'être un marin qui manie un gouvernail retourné.
Puis je passe à une machine que je connais mieux, la défonceuse. Je fraise les bords des pieds pour qu'ils aient un beau chanfrein. c'est-à-dire des angles biseautés. Jana observe mon travail et me montre quelques imprécisions. Il faut que je retravaille certains endroits. Pas grave, la défonceuse est ma nouvelle meilleure amie. J'aime la manière dont elle glisse sur les bords des poutres.
Pour assembler l'encadrement, je dégaine le mètre et l'équerre, je mesure les pièces, et je les presse les unes contre les autres avec des serre-joints. Puis je m'empare d'un tournevis électrique, avec lequel je visse à chaque fois deux pieds et deux pièces du cadre ensemble. Je travaille lentement, pour que rien ne craque. C'est un phénomène courant avec le bois de tête, car il est scié de biais par rapport au tronc et aux fibres. Je frappe avec le côté plat du marteau deux parties réglables à chaque pied, puis je les visse avec le tournevis électrique. Et ça fonctionne, ils forment un A. Le bâti de table prend gentiment forme.
3. Préparer le plateau
«Maintenant, occupons-nous du plateau. Comme la surface doit être traitée au moins deux fois avec de l'huile-cire dure, nous commençons aujourd'hui», m'informe Jana. Elle a raison. Pour que le plateau soit suffisamment élevé, je colle deux plateaux de contreplaqué de 1520 x 820 x 21 mm, plus je les scie avec la scie circulaire portative pour qu'ils atteignent 1500 x 800 mm. Une fois le bois sec, je travaille les bords à la défonceuse. Cette étape ne m'est plus inconnue. Elle me détend, même. Puis je travaille les surfaces. Je prends la ponceuse excentrique, et j'applique un grain 150. «Ne laisse pas la ponceuse excentrique trop longtemps sur une zone, et ne la bascule pas sur les coins, sinon les surfaces ne seront pas droites», m'avertit Jana. Je vérifie que tout est bien égal, et je repasse avec un grain 180. Je ne suis pas encore une experte en la matière... L'étape suivante est encore plus relaxante. En faisant des gestes réguliers, j'applique de l'huile-cire dure à l'aide d'un rouleau en mousse, sans oublier les bords. Je ne remarque qu'après coup que j'ai huilé le dessus en premier. J'apprends que je n'aurais pas dû procéder de cette manière. Il faut toujours huiler le dessous avant le dessus. Eh oui, si des taches ou des marques apparaissent alors que les plateaux sont placés sur des lamelles, elles ne seront visibles que sur le dessous. Je recommence. Je laisse le tout sécher pendant la nuit, et j'éteins la lumière. Fini pour aujourd'hui.
4. Les finitions, c'est du boulot!
Le lendemain matin, nous recommençons, motivées. Jana m'explique ce qu'elle a prévu: «Nous allons percer le bas des cadres, nous les aléserons légèrement, puis nous visserons le plateau de rangement en contreplaqué.» Aléser? Je ne connais pas ce mot, mais je fais confiance à Jana. Je commence par percer les trous avec la perceuse d'établi dans les courtes parties du cadre, puis Jana me passe la tête fraisée. Placée dans le tournevis électrique, elle perce un petit creux dans le bois, afin que la tête de vis puisse être enfoncée sans arracher le bois. Je procède de la même façon pour les cadres arrière, qui forment le bâti intermédiaire.
Je prends ensuite la scie plongeante. Je raccourcis légèrement le plateau de rangement à l'avant pour avoir ensuite plus de liberté de mouvement lorsque je travaillerai sur l'établi. Je scie aussi de petites découpes de 95 x 95 mm dans les coins avec la scie circulaire portative. J'encoche les coins, comme on le dit dans le jargon. Je m'assure ainsi que le plateau de rangement reposera ensuite précisément sur les cadres.
Puis vient enfin le moment tant attendu: nous vissons toutes les parties du bâti de table. Nous mesurons tout au préalable, équerre dans une main, mètre dans l'autre. Jana me passe les serre-joints, qui facilitent le positionnement des vis. Nous posons le plateau de rangement avec précaution, tout fonctionne. Je suis soulagée.
Avons-nous fini? Non, les finitions demandent encore pas mal de travail. Je ponce les pieds et le cadre avec la ponceuse excentrique, et je chanfreine les coins avec la défonceuse. Nous pouvons ensuite poser deux couches d'huile sur le plateau de rangement.
Nous n'oublions pas le plateau principal. Jana m'aide à y découper un carré de 120 x 120 mm et de 4 mm de profondeur pour la planche magnétique. Elle a déjà créé un petit patron en bois à cet effet. Je prends la défonceuse et j'imprime des mouvements réguliers sur la zone à découper. C'est assez difficile, mais je finis par y arriver. J'huile encore une fois le plateau, en évitant la zone réservée à la planche magnétique. Puis je prends une petite pause bien méritée.
5. L'assemblage final
L'huile a pénétré le bois, elle est en train de sécher. Que faire à présent? Pleine d'espoir, je demande à Jana si nous avons bientôt fini. Presque, me répond-elle en riant. Ensemble, nous déposons le plateau de rangement sur l'établi et le vissons. Il pèse lourd! Jana me passe l'étau, que je visse au plateau depuis le bas. Je crée un creux supplémentaire pour les écrous, afin que les vis filetées ne dépassent pas sur le support destiné aux tenailles. L'étau est bien placé. Je place la plaque métallique dans le creux pour vérifier qu'elle y rentre bien. Tout est parfait, ouf! J'enlève le ruban adhésif au verso et je serre le tout avec les serre-joints. Tout va bien! Je visse le plateau à travers le cadre.
Enfin! Après deux longues journées, nous avons réussi à construire un établi stable et performant doté d'un plateau de rangement spacieux. Il possède même une plaque métallique et un étau! Je suis soulagée, fière de moi, et je me réjouis de commencer à l'utiliser. Je ne vais certainement pas m'en priver!
Texte: Esther Acason | Photos: Charlotte Schreiber