Tentons l‘expérience: construire une fontaine de jardin
Plans de tomate, parterres de fleurs, pataugeoire: en été, un jardin peut devenir très gourmand en eau. La solution pour éviter une consommation (et une facture) astronomique? Avoir sa propre fontaine qui approvisionne gratuitement le jardin en eau souterraine.
Parlons un peu météo. Nous sommes nombreux à nous réjouir de l’été. Ah les journées chaudes et sèches… Mais aussi agréable cette chaleur soit-elle, si la sécheresse s’installe comme l’année passée, nos jardins risquent d’en souffrir.
Je veux approvisionner moi-même mon jardin en eau. Je creuse donc ma propre fontaine.
Sascha Borrée
Personne ne peut savoir ce que l’été nous réserve. Peut-être que, contrairement à l’année passée, nous passerons la belle saison sous la pluie. Mais les chercheurs nous le confirment: les étés deviendront de plus en plus chauds et secs. Outre les aspects politiques, on peut bien sûr se demander quelles seront les conséquences pratiques de ce phénomène. Devrai-je choisir entre une facture d’eau exorbitante et un désert devant ma maison?
Non, il existe une troisième solution! L’idée est de creuser ma propre fontaine et d’approvisionner moi-même mon jardin en eau. Mais comment procéder exactement? Et ai-je le droit de le faire?
1. Avant de creuser: se renseigner auprès des autorités
J’appelle ma commune, qui me dirige vers le département correspondant, celui du service des eaux. «Bien sûr que vous pouvez creuser votre propre fontaine de jardin», m’annonce la gentille dame à l’autre bout de la ligne. «Il vous suffit de vous enregistrer, ce que vous venez de faire en m’appelant. Mais la situation varie entre les communes. Il faut parfois payer des frais. Et pour les fontaines d’eau potable, la procédure est bien plus compliquée.» Pas de problème, puisque je veux simplement arroser mes plantes et remplir ma pataugeoire. Mais je ne sais toujours pas si mon projet est faisable. «Il l’est», m’assure un employé du service des eaux. «Selon mes plans, la nappe phréatique n’est qu’à deux ou trois mètres de profondeur sous votre jardin. Dans d’autres endroits, elle se situe à plus de dix mètres.» J’ai de la chance, je peux donc commencer. Je me rends dans mon jardin, je cherche l’emplacement parfait, et j’y amène les matériaux nécessaires: la tarière de plantation et ses accessoires, plusieurs mètres de tuyaux pour puits, et la pompe. Je suis déjà bien équipé.
2. C’est parti! Je creuse à la force de mes bras
Certains travaillent avec des outils lourds, comme une tarière de plantation motorisée. Mais c’est plutôt conseillé pour des profondeurs supérieures à deux ou trois mètres. Je me procure donc une tarière manuelle: une barre de métal en forme de T d’environ un mètre de long, dont la partie inférieure tranchante, qu’on appelle le foret, a 15 cm d’épaisseur et ressemble à une spirale. Heureusement, c’est un outil simple. Trop simple? La première fois que je le prends, je suis presque déçu, mais je me rends vite compte que je n’ai aucune raison de l’être. Je positionne la tarière contre le sol, appuie légèrement dessus et la tourne. Le foret s’enfonce sans problème dans la terre et, après quelques tours, y disparaît. Je m’arrête, le ressors, le secoue pour en ôter la terre, et le remets dans le trou.
Tourner, appuyer, tirer, secouer. Ce petit manège m’occupe un long moment, jusqu’à ce que j’entende un grincement bruyant et que la tarière continue à tourner, sans poursuivre sa descente. Que se passe-t-il? Ai-je heurté une grosse pierre? «C’est possible», m’avait averti l’employé du service des eaux. «Parfois, il faut changer d’endroit.» Quoi? Recommencer à zéro? Pas question! Je continue à tourner, j’appuie de tout mon poids malgré les crissements, je continue… et je constate enfin que le foret recommence à descendre. Lorsque je le retire du trou quelques instants plus tard, je constate qu’un caillou de la taille d’un poing s’y est enfoncé. Ce n’était pas ça qui allait m’arrêter! Je l’enlève et le lance sur le tas de terre juste à côté. Poursuivons!
3. Des rallonges pour creuser plus profond
Au bout d’environ un mètre, la tige atteint sa limite. Et maintenant? Il me suffit de dévisser la poignée en forme de T, d’y visser une rallonge et de poursuivre mon travail. Parfait. Par contre, après avoir vissé une deuxième rallonge et avoir creusé sur trois mètres en tout, je ne vois toujours pas apparaître une seule goutte d’eau. Quatre, cinq mètres (et presque autant d’heures de travail) plus tard, toujours rien. L’employé du service des eaux s’est-il moqué de moi? La sécheresse de l’année passée a-t-elle fait baisser le niveau d’eau? Mon projet se soldera-t-il par un échec? Avec les quatre rallonges, ma tarière commence sérieusement à vaciller, je ne peux pas continuer comme ça bien longtemps. Mais je m’inquiète pour rien. Au bout de cinq mètres et demi, la terre devient de plus en plus humide, boueuse, même. Et je finis par voir apparaître de l’eau souterraine.
4. J’enfonce le tuyau pour puits dans l’eau souterraine
Voilà, la tarière a accompli son travail. J’installe maintenant le tuyau composé de sections de trois centimètres de diamètre et d’un mètre de long que je visse entre elles à l’aide de manchons. J’enroule des fibres de chanvre dans les pas de vis et je les enduis de pâte d’étanchéité Fermit pour rendre les jointures étanches. Pour terminer, je place le filtre sur le tuyau. Comme son nom l’indique, cette pièce a la forme d’un filtre et empêche que de la boue ne pénètre dans le tuyau. J’enfonce à présent le tuyau, côté filtre d’abord, dans le trou. Une fois le fond atteint, il dépasse encore d’environ un mètre à la surface. C’est parfait comme ça! Je l’enfonce plus profondément dans la boue avec une masse, j’ajoute une section de tuyau, et je reprends la masse. Plus le filtre est enfoncé profondément dans la nappe phréatique, plus la pompe aura de chances de fonctionner durant les périodes de sécheresse prolongée.
5. Le grand moment est enfin arrivé
Je dois avouer qu’installer une pompe électrique serait plus facile, mais j’aime les méthodes traditionnelles. J’opte donc pour une pompe à bras en fonte à l’image des modèles anciens. Je visse tout d’abord la partie inférieure de la pompe sur une dalle en béton en forme de grille. Elle sert de base et donne une assise solide à ma pompe. Puis je place la dalle et la partie inférieure de la pompe sur le tuyau, afin qu’il en dépasse tout juste. Pour terminer, je fixe la partie inférieure de la pompe. Et voilà, le tour est joué. Ça a déjà l’air pas mal du tout.
Il est temps de pomper pour la première fois! En même temps, je fais couler de l’eau dans le tuyau à l’aide d’un tuyau d’arrosage. Sans cela, mon premier essai se solderait par un échec, puisque les pompes à bras ne fonctionnent que lorsque le tuyau contient déjà une colonne d’eau. Je ferme le robinet du tuyau d’arrosage et j’actionne à nouveau le bras de la pompe, c’est-à-dire le long levier en fonte. Le moment fatidique est arrivé! Et ça fonctionne: sans autre apport d’eau par en haut, la fontaine crache de gros jets d’eau. Je pompe jusqu’à ce que le sol autour de moi devienne boueux.
Je suis prêt à affronter la première canicule. Je continuerai à jardiner, pomper, arroser, puis je me rafraîchirai dans ma pataugeoire bien remplie d’eau souterraine. Soleil, je t’attends de pied ferme.
Texte: Sascha Borrée | Images: Lucas Wahl