Tentons l‘expérience: Creuser un four souterrain
Malgré le froid, notre auteur a bien supporté la nuit qu‘il a passée dans son abri. Le froid l‘a affaibli. Qu‘est-ce qui l‘aiderait? Un bon plat chaud cuit dans un four souterrain qu‘il aura construit lui-même, évidemment.
Le feu vacille, crépite, réchauffe. Fasciné, je le contemple et entends à peine rouspéter mon guide, Arnaud Gagné. «Il ne continuera pas de briller par lui-même. Nous avons besoin de beaucoup plus de bois. Allons-y!»
Je me lève péniblement et réchauffe une dernière fois mes mains contre le feu avant de m’en éloigner à contrecœur. La nuit passée en forêt a été plutôt froide, malgré l’abri construit par nos soins. Hier, dans les forêts de l’île canadienne de Salt Spring, située dans le Pacifique, Arnaud m’a montré comment construire un abri à l’aide de branches, de morceaux de bois et de feuilles. J’ai dormi comme un bébé, mais j’ai eu froid au matin. Je me suis réveillé glacé et affamé.
La deuxième partie de mon cours tombe à point nommé: Je vais apprendre comment creuser un four traditionnel souterrain. «Tous les peuples primitifs l’utilisent encore aujourd’hui. Tout comme pour l’abri, on trouve tout ce qu’il faut dans la forêt. On a pas besoin d’outils et d’ustensiles de cuisson. Le four se suffit entièrement à lui-même», m’explique Arnaud. En comparaison, le grill le plus basique est déjà un appareil high-tech.
Alors? Simple, délicieux, terreux. Un goût de liberté totale.
Sascha Borrée
1. Préparer le foyer
C’est parti. Procédons étape par étape. Avant de pouvoir allumer le feu, nous cherchons un emplacement approprié pour notre four et trouvons un lit de rivière asséché parfait. «L’eau ne coule généralement qu’au printemps, déclare Arnaud. Le sol reste humide, ce qui prévient les feux de forêt.» À l’aide d’une bêche, je creuse une fosse d’environ un mètre de largeur et d’un demi-mètre de profondeur. Pratique: Le lit de la rivière est déjà parsemé de nombreuses pierres de la taille d’un poing. J’en tapisse le sol et les murs de ma fosse.
2. Allumer le feu
La forêt possède aussi le combustible idéal: du bois, évidemment! Des branches sèches de sapin partiront le feu, alors que les branches plus épaisses des arbres déracinés le feront brûler. «Il ne faut pas prendre celles qui jonchent le sol, elles ont absorbé beaucoup trop d’humidité.» Je trouve des branches, les traîne puis les raccourcis pour qu’elles atteignent la longueur d’un bras. Une scie est très utile, mais Arnaud me montre un truc qui marche presque aussi bien: placer les branches à l’horizontale entre deux troncs d’arbres proches l’un de l’autre, appuyer le haut du corps sur l’une des extrémités… Crac! Le tour est joué! J’empile les morceaux de bois dans la fosse. Le feu peut enfin être allumé. Je me repose, me réchauffe. J’admire les flammes. Ma pause est de courte durée. Arnaud m’envoie à nouveau chercher du bois: «Nous avons besoin de bois pour que le feu brûle au moins trois heures, sinon les pierres ne seront pas assez chaudes.»
3. Tresser un tapis de roseaux
Selon le principe du four souterrain, les aliments ne sont pas cuits au-dessus des flammes, mais à la chaleur des pierres une fois les flammes éteintes. Lorsque le feu brûle encore, je m’enfonce dans une zone marécageuse proche, coupe quelques tiges de roseau et les tresse avec l’aide d’Arnaud pour qu’elles forment un tapis épais qui protégera ensuite nos aliments des saletés et de la terre.
4. Passons à la cuisson
Environ une demi-heure après avoir placé les dernières branches dans le feu, les flammes s’éteignent. Il ne reste plus que des braises rougeoyantes que j’ôte tant bien que mal de la fosse. Je recouvre les pierres brûlantes d’un tas de fougères coupées sur lesquelles je couche ce que nous voulons cuire: Du saumon du Pacifique, pour Arnaud, des courges, des carottes et des patates douces achetées au marché paysan local pour moi, qui suis végétalien. Je recouvre les mets d’un deuxième tas de fougères. J’arrose la fosse d’un peu d’eau, car nous voulons obtenir une cuisson à l’étuvée. Un nuage blanc s’élève et la fosse grésille. Je recouvre le tout du tapis de roseaux, puis de terre, jusqu’à ce que seule de la vapeur s’en échappe. On dirait une grosse taupinière.
5. Patience, patience
Et maintenant? Il ne reste plus qu’à attendre. «Les Hawaïens cuisinent même des cochons entiers dans des fours souterrains, c’est leur tradition. La cuisson prend souvent toute une journée», m’explique Arnaud. Nous nous asseyons sur des troncs d’arbres et nous nous étirons les jambes. Le guide de randonnée me raconte sa vie en forêt et me donne des conseils au cas où mon chemin croiserait celui d’un ours, d’un loup ou d’un coyote: «Ne t’enfuis pas en courant, ça déclenche leur instinct de chasseur. Reste détendu, il ne t’arrivera rien.» Bon à savoir. Je me souviendrai de cette information.
Par bonheur, nous ne cuisons pas un cochon entier; le poisson et les légumes sont prêts beaucoup plus rapidement. Au bout de deux heures environ, j’enlève à nouveau la terre qui recouvre le four à l’aide de ma bêche. J’ôte le tapis de roseaux et les fougères en m’efforçant de ne laisser aucune saleté sur les aliments. Je n’y parviens visiblement pas complètement, puisque mon premier morceau de pomme de terre crisse sous la dent. «Alors? Simple, délicieux, terreux. Un goût de liberté totale.»
Texte: Sascha Borrée | Photos: Peter Holst
Tu veux aussi tenter l’expérience?
Si tu souhaites toi aussi creuser ton propre four souterrain, construire un abri et te sentir libre, Arnaud Gagné et ses collègues de l’école Thriving Roots Wilderness te proposent des cours de survie dans la nature d’une journée ou de plusieurs mois sur l’île Salt Spring, située dans le Pacifique, en face de Vancouver. Rendez-vous sur thrivingroots.org pour en savoir plus.