J’ai fait un rêve. Et chaque année, je le réalise pendant les vacances, même si ce n’est que pour deux ou trois semaines. Je loue une petite maison en bord de mer ou de lac. Je me pose dans le jardin, lève les pieds et regarde l’eau pendant des jours. Je regarde les mouettes, les vagues, les bateaux qui se balancent sur l’eau. Je suis comme hypnotisé, extrêmement détendu, on pourrait même dire que je suis heureux.

À la fin de mes vacances, je flâne toujours dans la zone piétonne de ma destination de vacances, et je regarde de façon délibérément décontractée les annonces des agences immobilières locales. Des images de maisons magnifiques photographiées en plein soleil, des jardins avec un superbe gazon et des terrains au bord de l’eau. Peut-être pourrais-je même vivre ce rêve tout au long de l’année? Mon espoir n’est que de courte durée et se meurt lorsque je regarde timidement le prix. Une vue sur l’eau… Si je devais gagner l’argent nécessaire pour me l’offrir, il en serait fini pour toujours de mon délassement.

Sascha Borrée

Pour autant, les choses ne sont pas si faciles. Il faut faire preuve d’initiative, et ce, en évitant des coûts faramineux. Si la montagne ne vient pas à Mahomet, Mahomet ira à la montagne, et si le lac ne vient pas au rêveur, le rêveur doit mettre la main à la pâte… et construire son propre lac. Ou en tout cas son propre étang, dans son propre jardin: restons réalistes.

De retour à la maison, je parcours mon jardin, je cherche l’endroit idéal, et je le trouve juste à côté du grand noyer. Il fournit de l’ombre et permettra ainsi à l’avenir de maîtriser la prolifération des algues. Cependant, l’étang devrait bénéficier de quelques heures de soleil par jour; six heures sont idéales, d’après les informations découvertes sur YouTube lors de ma recherche de tutoriels sur la construction d’un étang de jardin. Je veux par ailleurs maintenir une certaine distance par rapport à la maison: en effet, les grenouilles pourraient bientôt se sentir très à l’aise dans mon nouvel étang. Si Kermit et ses cousins décident d’entamer un concert en pleine nuit, je préfère que les bruits soient lointains. Tant mieux, le noyer se trouve tout au fond du terrain, en bordure du domaine.

Trouver l’endroit idéal

Alors, on commence à creuser? Non, pas encore, d’après YouTube. À l’aide d’un tuyau d’arrosage, je dessine dans un premier temps les contours approximatifs de mon futur étang, je recule de quelques pas, je grimpe même dans le noyer pour voir la forme d’en haut: trop rond, trop grossier, je ne suis pas encore convaincu. Je saute de l’arbre, je modifie la silhouette vers la droite pour en faire une courbe audacieuse, je corrige les détails çà et là. C’est déjà mieux, l’aspect est bien plus naturel que tout à l’heure. Premier coup de bêche. J’ai la chance de travailler une terre sablonneuse et j’ai bientôt rempli ma brouette. Creuser, pousser, vider… Je travaille pendant quelques heures. Au début, je crée une grande cicatrice dans l’herbe, puis l’étang prend peu à peu forme. Je continue à creuser, et je réalise une topographie sur trois niveaux de l’extérieur vers l’intérieur: une zone marécageuse, une zone peu profonde et une zone plus profonde. Cette dernière devrait se trouver à un mètre de profondeur.

Approfondir: les travaux

Lorsque j’ai fini de creuser, j’inspecte le trou pour trouver des cailloux pointus, je coupe les racines qui dépassent, et retire tout ce qui risquerait de perforer à l’avenir la bâche de l’étang. Une couche de sable et un non-tissé avec lesquels je tapisse le fond apportent une protection supplémentaire. La bâche ne vient qu’à la fin. Épaisseur : un millimètre, cela devrait également suffire pour les étangs plus profonds. Lors de l’achat de la bâche, une règle d’or m’a aidé à trouver la bonne taille : longueur ou largeur plus le double de la profondeur de l’étang plus 60 centimètre (pour le bord). Pour plus de sécurité, j’ai calculé les dimensions de façon très généreuse, ce qui explique que la bâche dépasse désormais largement. Ce n’est pas grave, je peux toujours la raccourcir.

Bien planifier: l’étang doit être étanche

Enfin arrive l’étape tant attendue : remplir d’eau! Puis il faut attendre. L’étang fait environ trois mètres de long et de large, et près d’un mètre de profondeur. Il faut quelques heures pour qu’il se remplisse. Pendant ce temps, je commence déjà à installer quelques plantes. Les nénuphars se trouveront dans la zone profonde. La prêle du Japon, l’iris des marais et le myosotis des marais auront leur place dans la zone peu profonde ou la zone marécageuse. Petit à petit, l’étang se remplit d’eau, dont le poids applatit les plus gros plis de la bâche. Voilà pourquoi j’attends que cette étape soit terminée pour couper les bords qui dépassent. Enfin, je façonne la rive, et je décore le bord de la bâche avec des galets et des pierres de fleuve.

Remplir l’étang et planter de la végétation

C’est tout? Presque. L’étang semble encore manquer de quelque chose. Ce n’est pas étonnant, les nénuphars et la végétation de la zone marécageuse viennent seulement d’être plantés. Il faudra certainement attendre un moment avant qu’ils ne poussent et ne fleurissent. Des semaines? Des mois? Je n’ai pas envie d’attendre si longtemps, il faut ajouter du vert, et peut-être même quelques animaux. Je me rends dans la gravière la plus proche, j’y déterre des roseaux, je découvre une ribambelle de minuscules bébés grenouilles qui sautillent joyeusement sur la rive. J’aimerais bien en emmener quelques-unes pour accélérer la colonisation de mon étang. Mais les grenouilles sont protégées et ne peuvent donc pas être tout simplement déplacées. Je charge donc les roseaux dans ma voiture et les installe dans l’étang. J’enveloppe au préalable les racines d’un sac de non-tissé, afin que les roseaux, qui poussent vite, ne s’étendent pas de manière incontrôlable à l’ensemble de l’étang.

Passons au vert: les roseaux et autres plantes

Le projet arrive à sa fin: je peux enfin profiter de mon lac, ou plutôt de mon étang privé. Sans grenouilles pour l’instant, mais le calme est ainsi assuré. Je m’assieds sur la rive, je regarde l’eau qui ondule doucement sous l’effet du vent. C’est presque hypnotisant, et incroyablement relaxant. Je ferme les yeux, j’écoute le bruissement des feuilles de noyer. Je trouve que cela ressemble à des bruits de mer.

Un étang de jardin

J’ai fait un rêve. Et je l’ai réalisé, avec à peine plus de matériel qu’une bêche et une brouette. Parfois, c’est aussi simple que cela.

Texte: Sascha Borrée | Photos: Lucas Wahl