Un homme au grand cœur et sa tronçonneuse
La passion de Sebastian Buchwieser? Sculpter le bois. Sa devise? Plus ses sculptures sont grandes, mieux c'est.
L'hiver dernier, Sebastian a commencé à sculpter une femme. La pièce, finie, est posée depuis quelques mois dans son jardin. Il est temps de sculpter le chien qui l'accompagnera. Sebastian démarre la tronçonneuse, les yeux fixés sur son bloc de bois de mélèze. De la sciure vole partout, de gros copeaux s'accumulent sur le sol. Il consulte régulièrement son portable. Il regarde la photo d'un chien qui lui sert de modèle. Lentement, très lentement, le bloc de bois se transforme en chien. «C'est toujours pareil, explique Sebastian tel un chirurgien, d'abord la scie, ensuite le couteau. Si je fais une erreur avec la tronçonneuse, je ne peux pas la corriger avec le couteau.»
Beaucoup de ciseaux que les deux sculpteurs utilisent ont été transmis sur plusieurs générations de Buchwieser. «La réussite d'une sculpture dépend entièrement de la qualité de l'outil utilisé.» Les lames proviennent de manufactures du Stubaital, en Tyrol. Sebastian, son père ou son grand-père ont taillé eux-mêmes les manches en bois de noisetier. «Chaque main est différente», explique Sebastian en caressant les manches usés. Pour aiguiser les ciseaux, Sebastian utilise une pierre belge, pierre naturelle des Ardennes, puis il passe un morceau de cuir d'affûtage sur le tranchant de la lame.
Sebastian Buchwieser
Sebastian aime bien parler de «créations». Lorsqu'il évoque ces «créations», on dirait qu'il parle d'amis: «Il faut parfois laisser reposer le travail. La sculpture continue à se développer. Je continue à me développer. Nous finissons par nous retrouver et par poursuivre ensemble.» Cela sonne peut-être un peu plus philosophique qu'il le souhaiterait, mais ça décrit bien sa personnalité. «Comme je suis guide de montagne, je dois réfléchir à ce que je fais. Réfléchir aux risques, les évaluer. Puis agir, sans reculer.» Il procède de manière similaire lorsqu'il sculpte. Il réfléchit longuement à la façon dont il poursuivra le travail. Il laisse passer une nuit, puis il examine à nouveau sa sculpture, plusieurs fois. Il la laisse parfois reposer quelques mois. «Je suis un penseur, dit-il lentement, je ne veux pas me presser. On ne peut pas non plus demander aux arbres de pousser plus vite.»
Sebastian Buchwieser
La fenêtre de l'atelier offre une vue sur la cour. On y voit une fine sculpture, que Sebastian a baptisée «Ame». Un arbre tordu, lisse et élégant. On a une envie irrésistible de passer la main dessus. «Ce tronc n'avait pas fière allure, se souvient-il, mais j'ai voulu montrer sa beauté intérieure. Je pense avoir réussi.» Avec son «Groan Art», Sebastian montre «la plus belle matière première d'origine végétale du monde» et son caractère éphémère. La manière dont les conditions météorologiques et le temps qui passe la forment, la déforment et la transforment. «Le bois est un peu comme l'homme», dit-il, songeur.
Texte: Stefan Wagner I Images: Frank Bauer, Sebastian Buchwieser